Syrie : après les incantations, passons aux pourparlers

Il ne se passe pas une journée sans que les médias ne relatent leurs inquiétudes légitimes quant aux violences et à la mort répandue à Homs, Idleb et d’autres villes de Syrie. La manière dont ces inquiétudes se transforment parfois en revendications et en condamnations ne laisse par contre pas d’inquiéter sur les possibles dérives des médias où la passion prend le pas sur l’information, jusqu’à propager in extenso les velléités intéressées de nos représentants politiques. En découle des situations où le débat n’est plus possible et où la vérité ne se cherche plus mais, apparemment, se donne.

Infos pratiques

On entend, ainsi, une vindicte occidentale contre le droit de véto au Conseil de sécurité, notamment de la part des États-Unis, champions toute catégorie de son utilisation.
On observe la collaboration étroite, sans rougir, entre les puissances occidentales et des voisins de la Syrie, Arabie Saoudite et Qatar en tête pour soutenir les révoltes pacifiques et la transition démocratique. La définition de la démocratie aurait-elle évolué à ce point qu’on la défende avec des pays qui ne reconnaissent aucune assemblée élue ? On voit les puissances occidentales s’imposer comme défenseurs des droits inaliénables de l’être humain et hérauts de l’universalisation de la démocratie qui se taisent quand d’autres pays matent leur population ou qui proposent à certains leur expérience en matière de contre-insurrection. 

On lit quotidiennement la polarisation qui se fait par rapport à l’idée d’une intervention armée étrangère pour « protéger les civils », notamment souhaitée par le « Conseil National Syrien » , bombardé représentant officiel du peuple syrien ; expliquant avec lui qu’il est des personnes avec lesquels « on ne peut pas discuter ». Cette polarisation balaie étrangement, en ce qu’elle ne prévoit que cet unique débat, d’autres modalités de sortie de crise, non-violentes et diplomatiques. Cette polarisation biaise en outre totalement l’analyse en ne faisant jamais état des véritables conséquences de toute intervention armée.

Ces vérités établies, parmi tant d’autres, sont dangereuses parce qu’elles suscitent une vision manichéenne et simpliste de la réalité dont l’Histoire lointaine, récente et très récente des relations internationales nous prodigue une succession de contre-arguments. Une vision manichéenne qui empêche surtout le débat critique et la proposition de pistes alternatives qui, pour d’autres situations à d’autres moments, auraient été privilégiées.

Les exactions inqualifiables du régime syrien à l’encontre des revendications populaires et pacifiques de la population ont lentement fait glisser la situation vers un affrontement armé, entre les troupes du régime et l’ « armée syrienne libre » entraînant une fracture dans la population syrienne entre une partie qui soutient le processus de transition politique et une autre lui préférant la lutte armée, convoquant par ce choix les mêmes exactions qu’elle entendait dénoncer, soutenue dans cette tâche par le matériel et les enseignements de l’étranger . La violence d’où qu’elle vienne, doit être dénoncée par chacun avec rigueur, parce qu’elle véhicule la négation des valeurs humanistes.

La seule issue possible, longue, ardue, courageuse est celle du dialogue réunissant tout le spectre de la population syrienne. Les acteurs qui s’opposent à tenter cette voie peuvent dévoiler ainsi leur opposition à une sortie de crise qui ne soit pas celle qu’ils voudraient imposer.

Le discours régional et occidental d’appel à l’intervention armée et de soutien sans failles à une partie de l’opposition syrienne n’est plus crédible, surtout quand il sape en même temps les tentatives de dialogue et d’actions diplomatiques (pensons à l’arrêt inopiné de la mission d’observation de la Ligue Arabe ou à la dérision portée aux appels russes au dialogue). 
Cette posture est apparemment en train de changer vu le soutien, notamment européen, à la mission de conciliation donnée à Kofi Annan . Bien qu’il faille être vigilant, ici, à ce que cette mission ne soit pas présentée, comme nous le constatons déjà par endroit aujourd’hui, comme une mission « vouée à l’échec » et un paravent derrière lequel on se cache pour démontrer qu’ « on a tout essayé ».

Gageons donc que le Conseil de sécurité fasse droit à la nouvelle proposition de « plan en 6 points » de la Chine qui demande que « le Gouvernement syrien et toutes les parties concernées cessent immédiatement, complètement et sans conditions tout acte de violence, particulièrement à l’encontre des civils innocents. Les différentes factions en Syrie doivent pouvoir exprimer leurs aspirations politiques de manière non-violente » ; en ajoutant que « le Gouvernement syrien et les différentes factions doivent garder à l’esprit les intérêts fondamentaux et sur le long terme de leur pays et de leur peuple et lancer immédiatement un dialogue politique inclusif sans préconditions ou résultats prédéterminés au travers d’une médiation impartiale de l’Envoyé Spécial des Nations Unies et de la Ligue Arabe ».
N’en déplaisent aux esprits chevaleresques qui arrivent encore à faire croire à la noblesse des sentiments de leurs verbes et de leurs canons, la voie du dialogue est certes moins virile mais elle est l’unique processus capable de sortir de la spirale autoreproductrice de la violence. C’est d’ailleurs la définition même de la démocratie. Si tant est que c’est cela que l’on recherche.

CNAPD

 

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