Peut-on s’opposer à une loi sur l’exportation des armes légères ?

Le gouvernement wallon s’est engagé dans un processus de révision de la procédure d’octroi des licences d’exportation d’armes, visant à se doter d’une loi en la matière. La nécessité d’une législation claire encadrant l’exportation des armes wallonnes est une évidence démocratique. Pourtant, il apparaîtrait que le processus soit quelque peu enroué. Une opinion co-signée dans La Libre Belgique de ce mercredi 1 juin par BePax, la CNAPD, le GRIP, Amnesty International, la Ligue des droits de l'homme et Justice et Paix (tous membres du RAIAL).

Infos pratiques

Ce n’est pas parce que des armes sont dites « légères », que leur gestion doit être entachée du même qualificatif. Les armes légères, « armes de destruction massive » d’après l’ancien Secrétaire Général des Nations-Unies Kofi Annan, tuent en effet plus de 500.000 personnes chaque année. Près de la moitié d’une ville comme Bruxelles.

Les exportations d’armes légères de la Région wallonne, qu’on le veuille ou non, représentent une part non-négligeable des 8.000.000 d’armes légères qui sont produites dans le monde chaque année.

Des quelque 875 Millions d’armes légères en circulation dans le monde, 75% sont aux mains de civils[1] ; chiffre venant battre en brèche l’argument fallacieux selon lequel les armes sont toutes produites pour les besoins des forces armées et de police.

Ces quelques chiffres obligent à la tempérance et à la mise en perspective des intérêts économiques, par ailleurs souvent largement surestimés. Ces arguments ne sont quoi qu’il arrive acceptables que s’ils prennent toute la mesure du phénomène : ce que les armes légères causent comme dégâts… après avoir créé de l’emploi : décès, transferts massifs de population[2], perpétuation des conflits armés, caducité des accords de paix, répression étatique, violences domestiques, guérillas urbaines, entretien de la pauvreté, etc.   

Pour tenter d’assurer cet équilibre, le Gouvernement wallon s’est lancé dans une révision de la procédure d’octroi des licences d’exportation d’armes devant amener au vote d’un décret par le Parlement wallon.

La dernière mouture du projet de décret, loin d’être remarquable, a au moins le mérite d’encadrer le processus de certaines garanties procédurales auparavant laissées in fine à la seule décision du Ministre compétent. Des étapes importantes y étaient enregistrées dont une place réservée à une « procédure d’accord préalable de la licence ». Celle-ci prévoit que la possibilité d’une exportation d’armes vers un certain nombre de pays, ne faisant ni l’objet d’un refus d’office[3] ni d’un accord d’office[4], soit préalablement soumis à examen par une Commission ad hoc, sur base d’un certain nombre de critères légaux contraignants – au premier rang desquels on retrouve le « Code de conduite de l’Union européenne »[5], par ailleurs non rappelé dans la note d’orientation – et concrets portant notamment sur l’identité de l’importateur, la teneur du contrat, le contexte dans lequel celui-ci se place.    

Il apparaît pourtant aujourd’hui que ces avancées primordiales pourraient une nouvelle fois passer, au nom des intérêts économiques de la Région, sous les fourches caudines du Gouvernement wallon. Il est à regretter, d’emblée, que cette note d’orientation soit très frileuse en termes de transparence et de contrôle démocratique. Au-delà de ce constat, il apparaîtrait que le texte serait attaqué jusque dans la nouvelle classification qu’il opère entre pays « Fast Track » et pays nécessitant un accord préalable. Finalement, il est à craindre que la majeure partie du texte ce texte ne fasse l’objet que d’un travail parlementaire a minima et qu’une partie substantielle ne fasse l’objet que d’un simple arrêté du Gouvernement wallon.

Les armes, quel que soit l’adjectif qu’on y appose, sont un objet à tuer. Cette simple et cruelle considération devrait d’elle-même entraîner une prudence et un sens aigu des responsabilités dans le chef des personnes qui octroient des licences d’exportation. Cette prudence s’est révélée aux décideurs quand l’émoi de l’utilisation des armes wallonnes à la répression en Lybie a forcé le Gouvernement à revoir sa copie. Les exemples de ce type sont pourtant pléthores, sans souvent faire l’objet d’une attention médiatique particulière.

Nous avons bien-sûr tous comme objectif d’éviter que la liste de ces exemples ne croisse continuellement. Le seul moyen pour ce faire est de se doter d’une loi la plus courageuse possible, où l’ « éthique » et l’économique sont garantis, le deuxième au service du premier.



[1] Source : IANSA, « Gun Violence : The Global Crisis » – www.iansa.org
[2] En 2008, plus de 26 Millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur pays à cause de conflits armés : http://www.unhcr.org/4a2d199b2.html
[3] Soit tous les pays sous embargo
[4] Soit tous les pays de la liste dite « Fast Track », c’est-à-dire les pays membres de l’Union européenne, de l’OTAN, de l’OCDE avant la date du 31 aout 2010 et les pays candidats à l’adhésion à l’Union européenne 
[5] Liste de 8 critères « de géopolitique internationale » devant précéder toute exportation de matériels militaires :  http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cmsUpload/08675r2en8.pdf

 

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