Consanguinité : l’imaginaire de la dégénérescence de la race

Ce n’est que vendredi passé, à la lecture d’une opinion publiée dans la Libre Belgique par M. Dembour, que j’ai enfin compris pourquoi l’échec scolaire restait si élevé parmi les enfants issus de l’immigration. La réponse est simple et définitive ; l’échec scolaire est la conséquence de leur bêtise congénitale.

Infos pratiques

Pas d’avenir pour ces enfants issus de l’immigration ! Les pauvres sont incapables de résoudre le calcul le plus simple. M. Dembour nous explique. Au Maroc, 40% des mariages sont consanguins tandis que dans la population belgo-marocaine, ce taux hallucinant s’élève à 50 %. Pas étonnant à ce rythme-là qu’ils fassent des enfants dégénérés !

Pourtant, la réalité est bien différente. Dans une étude publiée en 1998[1], Georges Reniers parlait d’un taux de consanguinité de  29 % au Maroc et de 38 % dans la population belgo-marocaine. Cette différence de taux s’expliquerait par les politiques de regroupement familial qui inciteraient les jeunes migrants de la première génération à faire preuve de solidarité en se mariant avec un membre de leur famille, lui permettant ainsi d’acquérir la nationalité belge. Ce type de mariage endogame serait proportionnellement plus fréquent, y compris au Maroc, dans des familles au niveau socio-économique plus faible. George Reniers constate cependant que ce phénomène diminue fortement à la seconde génération qui a, elle, tendance à adopter des comportements en termes de mariage très similaire au reste de la population belge.

De plus, il reste à prouver la corrélation entre échec scolaire et consanguinité. Le Professeur Abdelaziz Sefiani, expert en génétique de l’Université de Rabat, nous l’explique : « Il est connu que la consanguinité favorise la survenue d’un certain nombre de maladies génétiques. Certaines d’entre elles peuvent avoir comme seule manifestation un retard mental. Il se peut que certains de ces retards soient modérés et se manifestent par des difficultés scolaires. Mais ces formes génétiques de retard scolaire sans aucune autre manifestation pathologique ne peuvent être que rares ou exceptionnelles. » Le Professeur Sefiani continue : « Toute la difficulté est de savoir distinguer les causes environnementales des retards scolaires qui sont fréquentes, des formes génétiques qui sont rares. »

Il n’est donc pas exclu que certains enfants issus de l’immigration aient pu, en Belgique, souffrir d’un retard scolaire en raison d’une maladie génétique non identifiée. Cependant, leur nombre doit être très faible et ne justifie en aucun cas l’appel vibrant de R. Dembour.

Les raisons de l’échec scolaire sont connues depuis longtemps : mauvaise maîtrise de langue, absence de soutien scolaire à domicile d’enfants issus de populations précarisées culturellement et socialement, le caractère discriminant du système scolaire qui, au lieu de servir l’ascenseur social, reproduit les inégalités de la société, … Ces causes réelles demandent de notre part, au delà d’un refinancement de l’enseignement,  une remise en question en profondeur de nos pratiques et modes de fonctionnement.

Évidemment, expliquer l’échec scolaire par la bêtise congénitale des enfants et les mariages consanguins de leurs parents est plus facile. Cette explication à l’emporte-pièce permet de nous dédouaner de toute responsabilité. Elle a cependant un revers : la stigmatisation d’une population entière qui génétiquement serait inférieure au groupe majoritaire. Émerge en effet une sous-humanité sur fond de fantasme de dégénérescence de la race. De là à parler de racisme, la nuance est faible.

 


[1] Reniers G., Post-migration survival of traditional marriage patterns : consanguineous marriage among Turkish ans Morrocan immigrants in Belgium, Universiteit Gent, 1998 

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