Quelle diversité dans l'Église ?

Rédigé le 8 juillet 2019 par : Pascale Otten

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Que signifie « diversité » ? Si l’on en croit le dictionnaire, c’est l’état de ce qui est divers, varié, différent. L’Eglise elle-même est pétrie de diversité quand on voit les différentes nationalités, les diverses tendances qui la composent. Il y a aussi toute une palette de traditions qui ont pu s’y développer : bénédictins, franciscains, dominicains, jésuites… au fil des siècles. Devant cette grande diversité, l’Eglise recherche une unité. Ce mouvement peut devenir réducteur de la différence. Le défi est de construire une articulation entre diversité et unité.

Une organisation au fil de l’histoire

Remonter aux origines du christianisme fait réfléchir : en effet, le christianisme se réfère à la personne de Jésus ; mais lui-même n’avait pas institué d’organisation.
Au plus, si l’on s’en réfère aux évangiles, avait-il désigné des «  envoyés » (apostoloi-apôtres) qui nous sont inégalement connus.

Ceux qui ont accueilli leur message ont constitué de petites communautés locales, appelées « églises » (ekklesia,  « assemblée de gens appelés ») : un mot qui invite d’emblée à l’ouverture. Les assemblées vont se structurer et une hiérarchie se créera petit à petit. Nécessaire pour s’organiser, celle-ci pourra devenir source d’autoritarisme ou d’abus de pouvoir.

Le mot « catholique », lui, apparait plus tard, au 3e siècle, puis au premier concile de Nicée au 4e siècle et il signifie « universel ». Il veut poser une base commune dans un contexte d’hypothèses multiples sur le plan théologique. Ce terme sera surtout utilisépour qualifier l’Eglise occidentale en opposition aux orthodoxes au 11e siècle, puis au 16e siècle en réponse aux divisions internes.

Cette universalité montre la soif de l’Eglise d’être celle qui rassemble au plus juste, au plus vrai…, mais cette aspiration à la « vérité » peut aussi charrier l’exclusion, le rejet, ce que des évènements de l’histoire comme les croisades ou l’inquisition nous ont montré.

Gérer la diversité dès les premiers moments de l’Eglise

Mais reprenons cette remontée aux origines : pour les chrétiens, l’Eglise commence à la Pentecôte. C’est le moment où ceux qui ont connu Jésus, pétrifiés de peur après la mort de celui-ci, osent parler de ce qu’ils ont vu ou vécu avec lui. Plusieurs partiront de Jérusalem vers diverses destinations : Empire romain, Perse, Ethiopie…

Dès ce moment, le contact avec la diversité des peuples va faire naitre des questions dans les premières communautés.

Comment vont-elles gérer cela ?

Au départ, les premiers chrétiens étaient tous d’origine juive.

Ils se demandèrent dès les contacts avec des Grecs si tous ceux qui voulaient être chrétiens devaient passer par la case du judaïsme. Devaient-ils manger kasher, par exemple ? être circoncis ?

Les avis étaient partagés : la question fut débattue en 49 et la décision fut que « le salut n’était pas réservé aux seuls juifs, mais à tous. ».

Cette décision a un aspect d’ouverture, d’innovation.

Au cours de l’histoire de l’Eglise, il me semble qu’une tension entre ouverture, place pour le débat et l’innovation d’une part et hiérarchisation, repli identitaire d’autre part sera toujours présente.

Un lieu de débat : les conciles

Etymologiquement, ce sont des assemblées.

Elles regroupent les représentants des assemblées de chrétiens, leurs présidents : les évêques.

Elles visent à clarifier des questions qui se posent à une époque, souvent dans un contexte de crise, pour aboutir à une vision commune. Cette vision est acceptée par la majorité présente, pas nécessairement l’unanimité. Il y a bien un souci démocratique dans ce débat.

En 1959, Jean XXIII convoqua le concile de Vatican II qui fut le premier à dimension mondiale. Il y avait 2100 à 2300 votants pour les décisions. Il durera 3 ans et tentait d’adapter l’Eglise aux mutations du monde à ce moment-là.

Nous voyons là un souci de tenir compte d’éléments de diversité, de l’importance de l’avis de chacun : un aspect important de l’inclusion de la diversité. Y seront notamment invités des représentants d’Eglises chrétiennes non catholique (106 représentants issus de 28 Eglises différentes à la fin du concil).  

Après, la mise en pratique de ces débats n’est pas simple non plus : il peut il y avoir des difficultés, des réticences, des résistances… de ceux qui n’ont pas voté pour le texte par exemple. A l’époque de Vatican II, le père Congar, un des experts consultés, disait de Vatican II « L’ouvrage réalisé est fantastique, et pourtant, tout reste à faire »[1] .

Certaines avancées seront réalisées, d’autres freinées par des courants conservateurs qui resteront à l’œuvre jusqu’à aujourd’hui, au nom d’une certaine unité ou uniformité.

Accueil des diverses convictions

Revenons aux sources du christianisme : la personne de Jésus et ses actes.

Sur la question de l’accueil des autres confessions ou des non-croyants (appelés païens à l’époque)

Dans les évangiles, plusieurs exemples nous sont racontés de l’accueil fait par Jésus de personnes non-juives : la parabole du bon Samaritain donne en exemple la juste action et la compassion d’un non-juif, la rencontre avec une Samaritaine montre un dialogue avec une femme non-juive à l’écoute, le récit du centurion romain (un des colons détestés par la population juive) révèle chez celui-ci plus de confiance que chez des croyants juifs…

Au vu de ces attitudes, Jésus montre un chemin de non-jugement, d’ouverture complète, sans réticence,  à ce qu’est l’autre profondément au-delà d’une appartenance.

Dans l’Eglise d’aujourd’hui, on peut constater des moments d’ouverture, comme « les rencontres d’Assise» initiées par Jean-Paul II en 1986. Ce sont des journées mondiales de prière pour la paix. Elles ont rassemblé 130 responsables de diverses religions et spiritualités et se sont renouvelées depuis lors.

Un bémol cependant, fruit de la peur me semble-t-il : certains responsables ont craint qu’elles amorcent un relativisme, dans ce contexte actuel de baisse du nombre de catholiques en Europe.

Accueil de la diversité de genre

Sur la question de la place de la femme, malgré le fait que les douze apôtres cités dans les évangiles étaient des hommes, ce qui est sans doute lié à l’organisation sociale patriarcale de l’époque, les évangiles donnent cependant une réelle place aux femmes.

On parle de sa mère, mais aussi d’autres femmes : Marie-Madeleine, la Samaritaine, les femmes au tombeau, à la Pentecôte…

Mais quand l’Eglise se structure, les femmes ne sont pas représentées.

Au départ, peut-être que les rôles sociaux sont le fait des hommes, et ce pendant plusieurs siècles. Malgré cela, au Moyen Age, on voit par exemple Hildegarde von Bingen fonder un monastère en Allemagne[2].

Mais les structures vont se rigidifier : au 11e siècle, le célibat des prêtres est institué dans l’Eglise occidentale. Et le pouvoir des ecclésiastiques sur la population ira croissant et sera mis en question : cela va diviser l’Eglise. Les protestants voudront revenir à la « Bible seulement ».

Des femmes deviendront pasteures dans les Eglises protestantes, anglicane, mais cela ne se passera pas dans l’Eglise catholique, malgré l’évolution de la société et la demande insistante de nombreux fidèles au 20e siècle.

En ce début de 21e siècle, l’Eglise catholique traverse une une crise grave, résultant probablement du pouvoir trop important dont use une partie du clergé.

Le pape François lui-même avait déjà dénoncé le goût du pouvoir de plusieurs cardinaux à la curie de Rome.

Il semble évident que les « pouvoirs forts » induisent des abus et nuisent à l’ouverture à la diversité.

Est-ce que la foi en l’homme qui anime l’Eglise à partir du témoignage de Jésus pourra rendre à celui-ci sa part lumineuse au-delà du poids des traditions ?


Pascale Otten est licenciée et agrégée en Archéologie et Histoire de l’Art à l’ULB, Inspectrice honoraire de l’enseignement fondamental et rédactrice en chef de la revue « Rivages ». Elle a aussi fondé le groupe « Les Voisins » qui réfléchit à comment rendre le monde scolaire plus inclusif vis-à-vis de la diversité.

 


[1] DELUMEAU Jean, Des religions et des hommes, 1997, p.349

[2] Elle sera officiellement canonisée par Benoit XVI en 2012 bien que la culture populaire la reconnaissait comme sainte depuis le moyen age. 

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