Quelques regards de juifs bruxellois

Rédigé le 9 mars 2015 par : Jean Debelle

Taille de police réduire police agrandir police

Déborah et David que j'ai interviewés sur leur ressenti comme Juifs en Belgique vivent à Bruxelles où Deborah est née et où David est arrivé à l'âge de quatre ans venant d'Allemagne.

Deborah et David

Déborah et David (prénoms d'emprunt)  que j'ai interviewés sur leur ressenti comme Juifs en Belgique vivent à Bruxelles où Deborah est née et où David est arrivé à l'âge de quatre ans venant d'Allemagne ; il y ont tenu ensemble un commerce. Ils ont respectivement elle 77 ans, lui 82. Ils ont eu trois enfants : deux filles et un garçon. Ils se disent Juifs « traditionnels » ; pratiquent surtout aux grandes fêtes, mais n'observent pas les règles en matière alimentaire. La famille de David vivait en Allemagne. La montée du nazisme amena la famille de David à venir s'installer en Belgique en 1937. Le père de David, juif allemand, y fut arrêté et envoyé à Auschwitz où il fut assassiné. David lui fut un enfant caché en France de 1942 à 1945 ; Deborah le fut aussi dans les Ardennes belges, de 1942 à 1945.

Maurice

Il a quitté la Hongrie en 1935 suite au problème du nazisme. Il est né en 1933, cadet d'une famille de huit enfants. Il est marié à une belge (convertie) au judaïsme après quinze ans de mariage. Il a donc 82 ans et sa femme 76 ; ils sont mariés depuis 58 ans ! Ils ont deux enfants (56 et 53 ans), quatre petits-enfants et deux arrières-petits-enfants. Ils sont juifs non pratiquants, mais « traditionnels ». En mai 40, ils ont quitté la Belgique pour la France où ils ont vécu dans un village en zone « dite libre ». Ils furent transférés par la police française dans un camp de regroupement à Récébédou (Toulouse) Ils ont fui ce camp grâce à un de leurs gardiens et sont revenus en Belgique. Tous les juifs de Récébédou ont été « déménagés » à Drancy quelques jours après leur départ ; de Drancy, ils ont été déportés à ...Auschwitz. En 1942, après les premières rafles à Bruxelles, ils ont été tous les dix (parents et enfants) cachés dans des familles belges. Grâce à ces « justes » et après beaucoup de chance, ils ont échappé à la déportation .

De l’antisémitisme et du quotidien

Bien qu'ils n'aient pas subi d'agression verbale ou physique, nos témoins disent se sentir menacés surtout « dans certains quartiers de Bruxelles ». Seul Maurice dit avoir pris des précautions particulières.

A cet égard, ils ont le sentiment que ce n'est que depuis les récents événements que le gouvernement belge « a enfin pris les bonnes dispositions ». Ils doutent par ailleurs de leur efficacité ;  Deborah et David souhaitent que la justice soit plus radicale en ce qui concerne les actes racistes.

Au sujet de leur manière de percevoir l’antisémitisme actuel, leurs perceptions sont bien différentes. Pour Déborah et David, « l'antisémitisme ne provient pas des Belges de souche, à l'exception de l'extrême-droite ; il provient de certains Musulmans excités par les discours haineux de certains Imams ou  de fondamentalistes. »Pour Maurice, « l'antisémitisme est un mal de l'humanité ; on nous a toujours rendus coupables de tous les maux ».

Quitter la Belgique ?

Dans son édition du 21 janvier 2015, La Libre Belgique consacre, en page 10, un article sur les « nombreux juifs qui décident de quitter la Belgique ».

Ils seraient 240 à avoir rejoint Israël en 2014. « De manière globale, environ 26.500 immigrants ont rejoint Israël en 2014. » Ces départs, aussi vers les USA ou le Canada, augmentent également en France et en Ukraine notamment.

A la question de leur attitude à ce sujet, mes trois témoins l'excluent avec quelques nuances. David et Deborah pensent que les jeunes envisagent difficilement leur avenir vu l'évolution de l'antisémitisme ; ils pourraient  envisager de partir « si la situation des Juifs devait encore s'aggraver et si, pour ces raisons, toute notre famille décidait de quitter la Belgique, nous ferions de même avec beaucoup de regrets ». Pour Maurice, « nous sommes belges et, malgré toutes nos sympathies pour Israël, nous ne quitterons pas la Belgique »

Essai de conclusion

Difficile avec seulement trois témoignages ! Mon sentiment est qu'au niveau individuel, vivre paisiblement et en sécurité semble tout à fait possible pour des Juifs, à Bruxelles. Le risque est certes plus grand pour les lieux de rassemblement (écoles, lieux de culte, musée, etc). Des mesures préventives de surveillance et de protection devraient encore améliorer la sécurité des Juifs. Reste le poids de la mémoire collective marquée par tant d'épisodes très douloureux au cours des siècles.

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies pour vous proposer des contenus et services adaptés.
Accepter