La Bosnie : le processus de réconciliation nationale n’a pas commencé

Rédigé le 30 janvier 2015 par : Bénédicte Rousseau

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Dix-neuf ans après la fin de la guerre et dans un contexte où les tensions nationalistes sont vives, la Bosnie-Herzégovine ne s’engage que très difficilement sur le douloureux mais ô combien nécessaire chemin de la réconciliation.

La guerre de Bosnie-Herzégovine, conséquence tragique de la dislocation de la Yougoslavie à partir de 1980, opposa les populations serbes, croates et bosniaques entre 1992 et 1995. Cette guerre barbare a coûté la vie à plus de cent mille personnes et contraint des centaines de milliers d’autres à fuir.

Cette guerre débuta le 6 avril 1992 quand l’Armée populaire yougoslave, sous commandement serbe, attaqua la Bosnie-Herzégovine qui venait de proclamer son indépendance suite à un référendum organisé par les autorités bosniaques. Ce référendum, par lequel les populations croates et bosniaques se prononcèrent massivement en faveur de l’indépendance du pays, fut boycotté par la plupart des Serbes, qui en refusèrent les résultats.

Commence alors cette guerre génocidaire dont l’objectif est celui d’une purification ethnique orchestrée par les autorités et forces armées serbes. La guerre de Bosnie-Herzégovine ne s’achèvera qu’avec la signature, sous tutelle internationale, des accords de Dayton le 14 décembre 1995 par les présidents serbe, croate et bosniaque.

Un impossible devoir de mémoire

Près de 670 camps de détention issus de la guerre de Bosnie-Herzégovine sont recensés à ce jour. Parmi ceux-ci se trouve le camp d’Omarska, camp de concentration où 5000 à 7000 détenus bosniaques et croates furent torturés, battus et affamés entre mai et août 1992. Le nombre de morts dans ce camp pour cette période est estimé à 2000 personnes.

Le site – minier – du camp d’Omarska, cédé par les autorités locales serbes, appartient aujourd’hui au groupe industriel indo-britannique Arcelor-Mittal. Tandis que les Bosniaques y réclament la construction d’un mémorial, les Bosniens d’origine serbe, qui composent plus de 90% de la population dans cette région, sont majoritairement opposés à cette idée. Arcelor-Mittal va invariablement là où sont ses intérêts économiques, alors que la communauté internationale ne se positionne pas vraiment sur le sujet et que les Bosniens d’origine croate sont empêtrés dans des positions historiquement contradictoires. Par ailleurs, ce site est quasiment inaccessible pour la population.

Ce qui se passe à Omarska n’est pas un cas isolé et ouvre à la dramatique complexité de l’actuelle Bosnie-Herzégovine. Par ailleurs, les autorités bosno-serbes ne reconnaissent que très difficilement les massacres perpétrés durant la guerre et ont tendance à vouloir en effacer les traces.

Une laborieuse sortie des accords de Dayton

Si les accords de Dayton de 1995 ont mis fin à la guerre, ils ont aussi tracé les contours d’une Bosnie-Herzégovine profondément divisée entre communautés, empêtrée dans un appareil étatique lourd et sous tutelle internationale. Ces accords qui se voulaient transitoires sont toujours d’application et n’ont pas su accompagner les peuples de Bosnie-Herzégovine dans un processus de réconciliation.

Dans un pays où les partis nationalistes ont largement remporté la mise lors des dernières élections et où le taux de chômage tourne autour des 40% , le Bureau du Haut Représentant, qui exerce la tutelle internationale, a posé des conditions politiques et économiques à sa fermeture. Ces conditions ne sont pas remplies à ce jour et le Bureau fait pression pour que la Bosnie-Herzégovine “travaille“ à une possible entrée dans l’Union Européenne, ce que la communauté internationale considère comme un gage de stabilité pour le pays et qui divise largement les Bosniens. Dix-neuf ans après la fin de la guerre, la Bosnie-Herzégovine ne semble sortie ni des accords de Dayton ni de ses conflits interethniques.

Dès lors, comment sortir la Bosnie-Herzégovine d’une tutelle internationale devenue inefficace à la reconstruction du pays ? Comment rendre aux Bosniens la main sur leur destinée nationale tout en s’assurant le maintien des acquis actuels ? Comment soutenir les peuples de ce pays à devenir réellement partenaires dans un processus de réconciliation vis-à-vis d’eux-mêmes, de leur histoire et de la nation ? Ces questions sont devenues incontournables.

Devenir partenaires dans la réconciliation

Entrer dans une dynamique de réconciliation, c’est apprendre à coopérer dans un processus de guérison, de transformation et de création d’un nouveau “vivre ensemble”. Les différentes parties en présence deviennent alors interdépendantes, c’est-à-dire que l’une ne peut s’accomplir sans l’autre, dans leurs efforts de reconstruction d’un groupe, d’une collectivité, d’une nation qui tous tendraient vers une forme d’unité.

La Bosnie-Herzégovine est inscrite dans une direction différente, dans la mesure où tout y est structuré pour aller vers plus de séparation, avec la bénédiction de sa classe politique. Dans ces circonstances – pensons au cas d’Omarska – les histoires, les souvenirs, les douleurs de guerre des uns et des autres s’opposent en permanence et semblent insurmontables. Il est urgent de créer un espace collectif à l’échelle nationale dans lequel chacun pourrait se dire dans un effort partagé de réconciliation. Dans cet espace, on chercherait ensemble la vérité des faits et non pas celle d’un impossible narratif commun, où la raison du plus fort l’emporte toujours et où les traumas sont ravivés sans jamais être traversés.

Pour aller vers la création de cet espace, sans lequel il ne peut y avoir ni justice ni pardon, nous avons besoin de voix qui porteraient avec puissance, autorité et présence une vision d’unité pour le pays, au-delà des clivages ethniques et communautaires. Dans cette perspective, le seul véritable espoir politique nous vient du “Democratic Front”, parti politique bosnien créé en 2014 qui semble porter un début de voix d’ouverture et de réconciliation. Il faudra toutefois suivre l’évolution de ses prises de position sur la durée.

Finalement, parlons de ces femmes et de ces hommes – bosniaques, serbes ou croates – qui depuis toujours manifestent une vision d’unité et oeuvrent sans relâche à la construction de leur pays au-delà des drames et clivages. Parlons aussi de ces nombreuses associations locales, qui n’ont attendu ni hommes et femmes politiques ni oiseaux de mauvaise augure, pour s’engager avec succès dans des initiatives de paix et de reconstruction du pays dès la fin de la guerre. Srcem Do Mira (Par le Coeur la Paix) dans la région de Kozarac est l’une d’entre elles. Alors, oui, une démarche de réconciliation en Bosnie-Herzégovine reste possible et ces voix qui portent un message de paix et d’unité nationale depuis ces terres presque oubliées ont plus que jamais besoin de notre soutien !

La Bosnie-(et)-Herzégovine est un Etat de l’Europe balkanique qui n’est pas réductible à la seule appellation de Bosnie et dont les habitants sont appelés Bosniens. Il s’agit d’une République dont la capitale est Sarajevo. Ce pays d’environ quatre millions d’habitants est composé de trois nationalités de traditions religieuses différentes :

· Musulmans ou Bosniaques (44 % de la population en 1991 – date du dernier recensement officiel de la population)

· Serbes, de tradition orthodoxe et parfois appelés Bosno-serbes  (32 % de la population en 1991)

· Croates, de tradition catholique et parfois appelés Bosno-croates (17% de la population en 1991)

La Bosnie-Herzégovine est, depuis les accords de Dayton de 1995, scindée en trois entités territoriales ou régions non-indépendantes :

· La Fédération de Bosnie-Herzégovine, constituée elle-même de deux sous-collectivités, bosniaque et croate (capitale Sarajevo)

·La République serbe de Bosnie, majoritairement serbe (capitale Banja Luka)

· Le District de Brčko, territoire neutre et autonome, géré en partie par un superviseur international mandaté par l’ONU

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