Œuvrer à l'entente des peuples. Un rappel de notre histoire européenne…

Rédigé le 2 février 2015 par : Jean Debelle

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La paix entre les peuples n'est jamais acquise une fois pour toutes ; des siècles d'histoire l'attestent. La maintenir est le fruit d'un long travail patient et tenace. Les nombreuses commémorations des derniers temps ne sont pas seulement des cérémonies du souvenir ; elles se veulent aussi et surtout un engagement à long terme pour consolider l'entente entre les peuples, au-delà des conflits qui les ont opposés.

«Celui qui n’ose pas s’attaquer à ce qui est mauvais, sait mal défendre ce qui est beau.»

Robert Schuman 

Faire vraiment mémoire

Ces dernières semaines, de nombreuses cérémonies ont eu lieu pour commémorer le début ou la fin des conflits, tant il y a cent ans (1914-1918) qu'il y a septante ans (1940 - 1945) : notamment à Liège, Mons, Dinant, Ypres et en Normandie. Bien sûr, on voulait tout d'abord, dans un devoir de mémoire, rendre hommage à ces milliers d'hommes morts au combat et se souvenir également des milliers de victimes civiles ; c'est après tout au sacrifice de ces combattants que nous devons d'être encore libres maintenant.

On peut espérer que ces diverses célébrations auront touché les générations plus jeunes et les aideront à réaliser toute l'horreur et toute l'absurdité de ces guerres. Cette transmission intergénérationnelle est très importante pour la cohérence d'un Etat. Mais, au-delà des beaux discours un peu idylliques, il s'agissait aussi, voire surtout, de consolider la volonté de paix, la réconciliation entre toutes les parties aux conflits – agresseurs et agressés -.Pour celles et ceux qui, nombreux aujourd'hui, n'ont pas connu ces deux guerres mondiales en Europe, la paix semble souvent aller de soi, être quasi naturelle ; on en oublie facilement sa fragilité. En fait, elle est le fruit d'un très long travail au plus haut niveau et dans les opinions publiques.

S'engager pour la paix et l'entente entre les peuples

 « L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait. »

Robert Schuman, Déclaration du 9 mai 1950.

Après la fin des hostilités, des responsables politiques - côtés français et allemand - ont solennellement scellé des engagements à long terme. Pour ce qui est de la réconciliation franco-allemande, se sont ainsi succédé six duos,  présidents français d'une part - chanceliers allemands d'autre part, de Charles de Gaule et Konrad Adenauer de 1959 à 1963 jusqu'à Angela Merkel / Nicolas Sarkozy et François Hollande  de 2007 à 2014. Leurs beaux gestes d'amitié amplement médiatisés ont pu marquer les esprits et convaincre les indécis.

On a quasi oublié le traité de l'Elysée, traité d'amitié bilatéral signé entre l'Allemagne et la France en janvier 1963.


Le Traité sur la Coopération Franco-Allemande, dit « Traité de l’Elysée », signé le 22 janvier 1963 par le Chancelier Adenauer et le Général de Gaulle, devient l’emblème des intenses relations nouées entre la France et l’Allemagne. Il répond à trois objectifs, exposés dans la brève Déclaration commune accompagnant le Traité :

- Sceller symboliquement la réconciliation franco-allemande ;

- Créer entre les deux pays une véritable amitié ;

- Et favoriser ainsi la « construction de l’Europe unie, qui est le but des deux peuples ».


La réaffirmation publique de cette volonté de réconciliation et de paix est d'autant plus nécessaire que ressurgissent hélas aujourd'hui, jusque chez nous en Belgique, des tendances négationnistes et révisionnistes inacceptables, par des propos qui tendent notamment à relativiser la très grave dérive que furent le nazisme et le fascisme.

Naissance de l'Europe

« Rien n'est possible sans les hommes, rien n'est durable sans les institutions. [...] Les institutions peuvent, si elles sont bien construites, accumuler et transmettre la sagesse des générations successives. »

Jean Monnet.

Au-delà de cette réconciliation bilatérale, c'est à la construction européenne que les responsables politiques des pays européens ont œuvré pour définitivement instaurer une ère de paix entre leurs Etats.

Dès 1950,  la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier) fut mise sur pied à l'initiative notamment du visionnaire que fut l'homme d'Etat français Robert Schuman. Il est significatif que ce travail d'unification mit tout d'abord l'accent de façon pragmatique et réaliste sur l'économique ; la plupart des guerres trouvent en effet leur origine dans des conflits d'intérêt. Les neutraliser semble dès lors un préalable inéluctable.

Il serait fastidieux de vouloir rappeler ici les multiples étapes de cette construction  pour passer de six membres en 1950 à vingt-huit membres en 2013 : pas moins de huit traités internationaux successifs, instauration d'un parlement à Strasbourg (1957- 751 députés élus au suffrage universel), Union Douanière (1968), réunification allemande (1989-1990), création de l'Euro, monnaie européenne (2002), libre circulation des personnes et des biens (création de « l'espace Schengen » (1985-1990).

Mais il faut aussi mentionner les blocages et les échecs, entre autres quand il s'est agi de doter l'Europe d'une Constitution (2002-2003). Ce bref rappel historique illustre l'énergie déployée pour progresser pas à pas dans l'élaboration d'une Europe réunifiée au-delà des diverses guerres qui ont jalonné son histoire.

Essai d'évaluation

A ce stade de la réflexion, il nous faut tenter une sorte d'évaluation globale de cette pacification en réaction aux guerres qui ont dévasté l'Europe au XIX° siècle. A l'actif du bilan, on peut certainement mettre principalement l'absence de conflit armé pour quelque 500 millions de personnes ; c'est un acquis immense qu'on peut raisonnablement espérer irréversible, du moins au niveau intra-européen. Restent soit les menaces, soit le passif du bilan.

Il y a lieu de tout d'abord constater une montée de l'euro-scepticisme lié à un repli  identitaire marqué dans plusieurs pays. Les rêves suscitent souvent une grande déception avec le temps quand ils ne se réalisent pas pleinement à court terme.

Plus gravement, il faut constater l'orientation très néo-libérale de l'Union Européenne, orientation soutenue par le très puissant lobbying des multinationales ; le social est à la traîne. Plus précisément, le choix récent de certains commissaires - y compris de son président - suscite  questions et méfiance ; seront-ils autonomes face aux énormes pressions des milieux d'affaires ?

Pourront-ils constamment privilégier le bien commun plutôt que de se rabattre sur le plus petit commun dénominateur. Se pose également la question de l'attitude de l'Europe face à l'immigration et plus largement dans les rapports Nord-Sud : l'Europe sera-t-elle une forteresse des nantis, soucieuse avant tout de défendre ses privilèges ?

Au niveau mondial enfin, alors que de nouveaux équilibres se dessinent entre les continents, l'Europe - qui n'est plus du tout le centre du monde - pourrait-elle trouver une position adéquate dans le concert des Etats ? Elle a en tout cas beaucoup de difficultés à formuler une voix commune.

Bref, l'œuvre est loin d'être finie pour les générations futures ! Il leur faudra retrouver l'enthousiasme des fondateurs, mais aussi la ténacité et l'efficacité.

La paix éluctable : vers une Europe pacifiée définitivement ?

Cela fait maintenant septante ans que la guerre a quasi disparu du continent européen. Même si cela reste lent et rempli de sursauts nationalistes, on peut espérer qu'on est entré définitivement dans une ère de paix au sein de cette Europe. Outre ces engagements pour assurer l'harmonie entre les Etats au niveau européen, on peut aussi souligner la portée exemplative de ces accords internationaux à l'égard de tous les peuples. Surprenante coïncidence !

Dans le journal  La Libre Belgique du 8 novembre 2014, le professeur Philippe van Meerbeek, psychiatre aux cliniques Saint Luc à Bruxelles, suggère de s'inspirer du modèle de réconciliation franco-allemand pour régler le problème communautaire belge : échanger le pardon du mépris francophone contre celui de la collaboration flamande.

A suivre !

 

 

 

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