Concurrence des victimes

Rédigé le 4 juillet 2016

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Dans des sociétés de plus en plus diversifiées du point de vue ethnique, culturel et religieux, quoi de plus normal que d’observer une fragmentation des mémoires et la difficulté croissante de forger un récit national susceptible de faire justice à la multiplicité des trajectoires individuelles et collectives ?

Que les mémoires s’additionnent sans nécessairement s’ajuster n’a en soi rien de pathologique. Le dialogue, fût-il conflictuel, est en effet un générateur bien plus sûr d’intelligence et de compréhension que l’ânonnement d’une histoire officielle. Encore faut-il que cet affrontement des passés ne se transforme pas en « concurrence des victimes ». Ou, autrement dit, dans cette course morbide et déresponsabilisante qui voient s’allier la sanctuarisation d’un passé tragique et l’accusation adressée à un autre groupe d’occulter ce passé.

Un des maillons de la chaine perverse qui mène de l’affrontement des mémoires à la « concurrence des victimes » est constitué par l’étrange et inédite valorisation des victimes, qui caractérise notre époque. Tout se passe comme si, après des siècles qui avaient vu les « vaincus de l’histoire » passés par pertes et profits et bafoués jusque dans leur mémoire, avait succédé une période où ce statut de victime devenait une valeur en tant que telle, excédant les droits matériels qu’il ouvre.

Effectuer ce constat ne revient évidemment pas à affirmer que tout va pour le mieux dans la meilleure des mémoires : des pans entiers de refoulement subsistent et la manière dont la Belgique gère – ou plutôt persiste à ignorer – les blessures profondes que sa colonisation a occasionnées aux peuples sur lesquels s’est exercée sa domination en constitue une illustration déplorable.

Aux générations actuelles, de part et d’autres, de ne pas perpétuer le traumatisme en le niant, mais de le transformer – en commençant par le reconnaître, pour que la mémoire ne constitue plus un poids mais un potentiel d’émancipation.

Le présent dossier entend apporter une modeste pierre à l construction de cet ambitieux édifice, via l’approfondissement du concept de « concurrence des victimes » (Edgar Szoc), le prisme du droit pénal international (Damien Scalia) et le cas particulier du rapport de la Belgique à son passé colonial (Nicols Rousseau).

Le dossier de la revue

Le portrait

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