Solidarité avec Ihsane Haouach

Rédigé le 13 juillet 2021

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L’air de notre vie démocratique est irrespirable depuis quelques semaines, et est même devenu pestilentiel le weekend dernier. Parce que portant un foulard à une position où les personnes qui le portent ne sont pas supposées se trouver, une femme musulmane fut jetée en pâture à une meute excitée dans les médias, au parlement et sur les réseaux sociaux.

Si l’extrême-droitisation de la société avance à coups de butoirs, les coups sont cette fois venus d’une grande partie de la classe politique. Une kyrielle de personnes unies autour de l’attaque d’une cible idéale : une femme musulmane portant le foulard.
 
Réduite à ce foulard et aux représentations islamophobes qu’il charrie, Ihsane Haouach est traitée comme un objet, déshumanisée. Face à l’acharnement du MR, de Défi et du CDH en particulier (bien sûr aux côtés de l’extrême-droite), ni son CV, témoignant de ses capacités, compétences et efforts, ni ses paroles, ultime tentative de clarification, ne suffisent à l’innocenter de la terrible accusation de constituer un cheval de Troie d’une menace islamiste à l’Etat de droit.
 
Échappant à une convocation au parlement, comme à un « tribunal » en sorcellerie et en terrorisme, elle reçoit tout de même un avertissement du Premier Ministre qui présage d’un recul de soutien à son égard. Le déferlement de haine continue de s’abattre sur elle, mais la voilà privée des moyens de se défendre, car elle ne doit plus être visible, ni entendue.
 
Concernant son propos polémique dans l’interview qu’elle a donnée au journal Le Soir, tout le monde sait que les retranscriptions des interviews ne sont pas toujours tout-à-fait fidèles. Elle s’est d’ailleurs rapidement expliquée à ce sujet sur ses réseaux, mais à la seconde même le mal était fait. En réalité, quoi qu’elle dise, on aurait trouvé quelque chose à lui reprocher. Finalement, Ecolo cède également à la panique créée autour de ces propos et s'en distancie publiquement, renforçant les discours généraux au lieu de soutenir fermement Ihsane Haouach, en insistant par exemple sur la pression immense que le contexte d’islamophobie faisait peser sur elle. Ce contexte rend difficilement possible la poursuite de l’exercice de son mandat, mais aussi de sa vie professionnelle et personnelle, et entraine inéluctablement sa démission comme stratégie de survie.
 
Une vague d’indignation se lève alors dans l’opinion publique pour dénoncer ce refoulement de l’espace public, et les effets désastreux de ce jeu de positionnement politique, lorsqu’un article du Soir, faisant état de potentiels liens avec les Frères musulmans, la condamne définitivement vendredi soir : le procès qui fut évité au parlement se déroule alors dans les médias. A base de fake news et de complotisme islamophobe patent, le weekend est le théâtre d’une montée en puissance de la violence raciste et sexiste contre elle et les personnes qui la soutiennent. La polémique cède place à la calomnie, et la liste des accusées s’allonge. En tête, y figurent de nombreuses femmes « issues de la diversité », accusées tour à tour de victimisation, repli communautariste, collusion islamiste, et même d’antisémitisme.
 
L’extrême-droitisation du discours politique du côté francophone fait écho à une revitalisation de la menace nationaliste, en parallèle, du côté néerlandophone. On voit ainsi des acteurs et actrices du monde politique, médiatique, et militant s’allier à travers une solidarité raciale, et sexiste, pour réaffirmer leur position centrale dans le champ politique en renvoyant à la marge une personne doublement minorisée qui l’avait rejoint.
 
Or, si la semaine passée c’est Ihsane Haouach qui fut chassée, aujourd’hui et demain combien serons-nous à être menacées et harcelées ? A voir nos vies privées et professionnelles détruites, parce que nous luttons contre les forces qui tentent de nous effacer et de nous faire taire ? A quand une prise de conscience collective de la menace et des effets que fait peser le projet de société de l’extrême-droite, qui repose sur les divisions et les rejets, et de l’interdépendance du destin du nord et du sud du pays ?
 
L’impossibilité faite à Ihsane Houach de participer à la vie de nos institutions doit tirer la sonnette d’alarme : il faut que le monde politique, médiatique et la société civile, agissent urgemment contre le racisme, et son corollaire le complotisme. Car, si nous ne luttons pas efficacement contre ce système, nous ne cesserons d’être entrainé-e-s dans une désastreuse chute collective, qui empêche de nombreux citoyens et citoyennes de respirer et se déployer dans la société. Mêmes les plus beaux principes n’ont aucune valeur s’ils ne collent pas au réel et s’ils participent dans les faits à la marginalisation de certain.es. Soutien à Ihsane Haouach qui vient de faire les frais de cet échec collectif, et honte aux artisan-e-s de haine et de violence.
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